ELLE Maison
Portrait d’une brodeuse transgénérationnelle
Formée à l’architecture intérieure, elle a pris tout son temps avant de devenir la reine de l’échevette. Il faut dire que l’on n’est pas pressé quand on manie l’aiguille, c’est même là tout le luxe de la chose. Monique Lyonnet s’est donc offert quelques détours par un cabinet d’architecture d’intérieur, puis dans l’univers du tissu d’ameublement , gérant notamment le premier show-room Laura Ashley de France ou celui de Designers Guild, ou bien encore en vendant ses propres trouvailles sur les marchés. Très vite devenue une personnalité incontournable de la belle étoffe, elle est un temps attachée de presse pour ces mêmes grandes marques internationales avant d’ouvrir enfin sa propre boutique dans les années 80.
Le comptoir des étoffes était né.
Sa marotte ? Trouver l’introuvable tissu qui vous fait défaut : à cette triste époque, le torchon, le lin, ou l’oxford, pour ne citer qu’eux, ne se trouvent pas au mètre. Monique part à leur recherche dans tous les recoins d’Europe pour les proposer en exclusivité dans le quartier des Halles de Paris.
Mais la fée aux doigts d’or dort encore dans son for intérieur. Elle sera révélée au grand jour lorsqu’elle recevra en cadeau un adorable kit de point de croix. Déclic mémorable : « pour la première fois la broderie n’était pas ringarde ». En France « à l’époque, il n’y avait encore que des canevas laids représentant le pape ou des bergers allemands ». Elle cherche qui produit ce trésor et met en route l’engrenage formidable de sa plus grande passion. Elle importera les premiers point de croix de « la Guilde de l’artisanat danois » avec laquelle elle organisera sa première exposition d’ouvrages à la maison du Danemark à Paris.
On pourrait penser que ses activités d’attachée de presse lui ont permis de bénéficier d’une excellente visibilité… mais c’est sans compter la connotation encore très ringarde de l’art du fil. « Tout le monde disait que cela ne marcherait jamais ! Peu de temps après le mouvement de libération de la femme, l’image de la brodeuse c’était Pénélope ! Celles qui aimaient broder se cachaient même pour le faire car cela ne collait pas avec l’image de l’executive woman de cette génération.».
Monique Lyonnet a su cependant démontrer l’intemporalité de ce loisir artistique en redécouvrant et en important les savoir-faire ancestraux d’autres pays : des Quakers des Etats-Unis à l’Europe du Nord en passant par les pays de l’Est, elle en rapporte le meilleur, faisant de sa boutique, Le comptoir des ouvrages, la « Mecque du point de croix » dans les années 90. Avec sa collaboratrice elles inventent nombre de nouveaux diagrammes. Monique cherche inlassablement les meilleurs fournisseurs et crée sans cesse pour la presse et l’édition. Elle reconnaît qu’elle aurait bien aimé « inventer au moins un point » mais l’art est si ancien qu’elle doit se contenter de réactualiser l’incommensurable bibliothèque de ce patrimoine artisanal. Qu’à cela ne tienne, elle en fait sa marque de fabrique !
Elle met un point d’honneur à rendre la broderie accessible aux goûts de toutes les générations. Elle dépoussière, exhume, expose au grand jour une discipline trop longtemps restée au placard.
Lancée en 95, la Croix et la Manière, sa dernière boutique, réunit désormais toutes ses passions. Dans cette « mercerie actuelle » pas d’articles « tendance » ou « mode » trop éphémères. Non. Ce sont toujours des tissus mais aussi toutes ces petites choses qui accompagnent les brodeurs et brodeuses, sans frou-frou chichiteux mais toujours délicates et utiles.
Sa position de référente, soutenue par son diffuseur Milpoint, lui permet désormais de n’en faire qu’à sa tête. Elle propose tout ce qu’elle aime et est à son tour diffusée partout, jusqu’au Japon ! Au delà des âges et des frontières, Monique Lyonnet est un des fils qui relient les hommes et femmes d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs, par cette passion commune qu’il suffisait simplement de réinventer.
Broderie, les 10 "points" à connaître avant de se lancer
1) Toujours se faire plaisir : bien choisir son ouvrage pour avoir une bonne motivation.
2) Oser : les petites filles commençaient à l’âge de 6 ans autrefois.
3) Oser encore : le vocabulaire semble compliqué mais en réalité le geste est simple.
4) Passer par une boutique qui vous conseille pour être bien accompagné.
5) Attendre le déclic : broder est un état d’esprit. Certaines commenceront enceintes d’autres trouveront la bonne occasion pour choisir d’offrir « du fil, de l’amour et du temps » lors d’un grand événement.
6) Choisir un support de qualité (lin lavable et pas plucheux, agréable au toucher) pour ne pas regretter les heures passées. Préférer un tissu clair au foncé, pastel plutôt que vif.
7) Ne pas être trop prétentieux au début au risque d’abandonner en route : on ne commence pas par une nappe de 200 heures !
8) Choisir une matière facile : on peut tout broder, certes, mais la soie et le velours demeurent très techniques.
9) Si la broderie semble encore trop difficile, se lancer en personnalisant les boutonnières de ses chemises par exemple : en cousant ses propres boutons le résultat est rapide et encourageant pour la suite.
10) Suivre un atelier : la Croix et la Manière propose par exemple des cours pour apprendre les points de base (point de tige, de chainette surfilé, enroulé, d’épine, de chausson, de chevron, de gerbe, de plume, d’araignée…), les jours (jours simples, échelles, contrariés, ourlets), le point de Fès, et enseigne même aux enfants !